La liberté post 68
Après les évènements de mai, la droite remporte les élections mais sort ébranlée de cette épreuve. Les plus conservateurs doivent céder et faire quelques concession. Les jeunes ont gouté à la liberté et ils ne veulent pas l’oublier. Il s’en suit un mouvement général de déblocage de la société. On ne change rien sur le fond, pour les acquis sociaux on verra plus tard à les reprendre mais il faut donner quelque chose à la jeunesse qui dans sa plus grande partie vient de petite et moyenne bourgeoisie. C’est le début d’une réelle évolution qui s’épanouira dans les années 70. Avec le recul des années, les évènements de mai-juin 1968 apparaissent comme une rupture fondamentale dans l’histoire de la société française, matérialisant une remise en cause des institutions traditionnelles.
Dans la sphère socio-culturelle
De nouvelles valeurs apparaissent. Elles sont notamment centrées autour de l’autonomie, de l’antiautoritarisme, la primauté de la réalisation personnelle, la créativité, la pluridisciplinarité et la valorisation de l’individu impliquant le refus des règles traditionnelles de la société et la remise en cause de l’autorité. La redéfinition de nouvelles règles se construit autour de l’idée d’autogestion avec des expérience comme le Centre Universitaire de Vincennes et du communautarisme avec des expériences de vie communautaire au Larzac. Le concept d’autogestion est concurrencé par celui de cogestion très en vogue dans les organisations politiques inquiètes de cette évolution jugée « anarchique ».
Le Centre universitaire de Vincennes est un bon exemple de cette évolution. Il a été créé à l’automne 1968 sur décision du ministre français de l’éducation nationale Edgar Faure avec pour objectif de répondre aux conséquences universitaires du mouvement étudiant de mai 1968.
Il avait l’ambition d’être un foyer d’innovation net, se caractérisant par son ouverture sur le monde contemporain, ce qui implique son ouverture aux salariés non bacheliers (seconde chance), des disciplines jusque-là non enseignées à l’université (arts, urbanisme, etc.), de nombreux cours en soirée, une pédagogie reposant sur des groupes restreints, une large liberté de choix offerte aux étudiants pour définir leur parcours. Après sa suppression sous Giscard il deviendra Paris VIII où je deviendrai étudiant en maîtrise de Communication en à la rentrée de 1982.
On considère souvent la libération sexuelle comme l’un des grands thèmes de Mai 68. En réalité ce n’est que dans les années suivantes de 1970 à 1975 essentiellement que les débats sur les mœurs prennent place, corrélativement à l’arrivée des contraceptifs modernes. Le féminisme aussi se développe durant ces années, avec son mouvement le plus radical, le Mouvement de libération des femmes (MLF), dont la première manifestation publique a lieu en 1970 et qui joue un grand rôle dans l’implosion du militantisme traditionnel au profit de thèmes féministes, comme l’autorisation de l’avortement (1975), la remise en cause de la répartition des tâches dans le couple, la « naissance sans violence ».
La dénonciation des régimes communistes réformistes se confirme. Cette désillusion concernant le communisme, juste après un engagement politique intense, notamment des maoïstes et de l’extrême gauche, qui apparurent un temps parmi les jeunes comme une alternative plus authentique, débouchera sur un pessimisme généralisé dans les milieux de gauche, un auto dénigrement systématique de tout ce qui a pu exister avant mai 68.
Dans le domaine économique et social
Le conflit de la société des montres « Lip », conduit par Charles Piaget du Syndicat CFDT, à Besançon en 1973, est une illustration très médiatisée de cette évolution, avec une expérience de mise en œuvre de l’autogestion de l’entreprise.
Cette influence a aussi des conséquences en 1973 dans des mouvements de remise en cause de l’armée et de la force de frappe nucléaire et d’une manière générale dans les mouvements écologiques et anti-militaristes (la lutte du Larzac, le courant de la non-violence) et les fameuses ONG comme « Médecins sans frontières » , directement issues de la prise de conscience planétaire des mouvements de Mai 68. C’est aussi la période de la naissance de l’idée de « Halte à la croissance ? » (1972), titre d’une publication du Club de Rome fondé en 1968.