Épilogue

“Il n’y a qu’une seule liberté, se mettre en règle avec la mort. Après quoi tout est possible”.
Albert Camus Carnets II (1942-1951)

J’ai décidé de vivre le temps qui me reste en intégrant au mieux l’idée d’impermanence. L’impermanence est l’idée selon laquelle les phénomènes, les choses, les êtres, les situations, les sentiments évoluent, changent d’instant en instant, se transforment tout le temps. C’est par exemple le cas de phénomènes qui apparaissent et disparaissent (l’être humain naît, vit et meurt). Mais c’est aussi le cas de phénomènes qui semblent durer toujours mais en réalité évoluent, par exemple l’univers.

L’impermanence est littéralement la “non-éternité”. Tout est changeant, fragile, tout est flux transitoire. Rien ne peut durer, en tout cas pas sous la même forme. L’attachement aux choses impermanentes crée l’insatisfaction ou la souffrance. Le sentiment d’avoir du mal à contrôler ou à maintenir les choses cause un mal-être qui va de l’inquiétude au désespoir en passant par la colère. L’individu a besoin de l’illusion d’évoluer dans un monde stable, mais il doit aussi apprendre à accepter l’impermanence : cette prise de conscience l’aidera progressivement à évacuer son malheur et à mieux se conduire. Tout ce qui a été réuni se sépare, tout ce qui naît, meure, tout ce qui a été construit, s’écroule, tout ce qui est composé se décompose selon la philosophie bouddhiste

A titre individuel, je retiens que selon Sartre tout homme en vaut un autre. Dès lors, chaque création humaine, chaque destin particulier devient parfaitement intelligible, Nulle pose, nulle posture dans cette conduite, mais l’affirmation entêtée que tout homme en vaut n’importe quel autre, que toute supériorité sociale ou honorifique tient de l’imposture.
«Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » Sartre, Les mots,
Quand on voit l’évolution des mentalités dans notre société, le culte de l’apparence, de l’argent et de la réussite qui s’étale sans complexe sur nos écrans et dans nos rues, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il manque au XXI ème siècle un grand philosophe tel que lui. Adhérant à sa philosophie, je me sens libre de mes choix et de mes actes présents ou passés quelque soit les jugements qu’on porte sur moi et je partage cette autre idée : « Ce n’est pas un orgueil qui porte sur ma personne, Jean-Paul Sartre, individu privé, mais plutôt sur les caractéristiques communes à tous les hommes. Je suis orgueilleux de faire des actes qui ont un commencement et une fin, de changer une certaine part du monde dans la mesure où j’agis, d’écrire, de faire des livres – tout le monde n’en fait pas mais tout le monde fait quelque chose bref, mon activité humaine, c’est de cela que je suis orgueilleux. ».

Maintenir le désir devant la vie qui s’efface, c’est tout un programme car en avançant en âge, il y a la décrépitude, la maladie, la mort, les absences définitives, les renoncements … Il faut privilégier ce qui est proche, modeste, sans calcul, s’en réjouir tout simplement. Le courage c’est d’être heureux avec ce que l’on a et ce qu’on est tout en restant ouvert sur le monde.
La retraite est un ensemble de deuils. Au deuil de ce qu’on n’est plus socialement s’ajoute le deuil de ce qu’on ne pourra plus être. Je ne suis plus ce que j’ai été et je ne serai pas ce que je voulais être, mais la retraite c’est aussi la possibilité de renaître à soi en toute liberté. Que faire de la retraite ? Cette question chacun, chacune se la pose à un moment, il en va comme de la mort, tout le monde y passe. La retraite est la renaissance de soi, on peux y retrouver des sensations oubliées et revivre des moments perdus. L’âge de la retraite nous libère des chaînes du travail salarié et nous permet d’avoir plus de temps pour nous interroger sur le sens de la vie. Bien sûr la retraite est aussi l’aube de la mort, mais quand l’homme n’a plus d’espoir, il n’a plus de peurs et tout devient possible.

Un jour on se réveille avec la certitude de notre fin inéluctable, avant on le savait mais on y croyait pas. Combien de temps me reste-t-il ? Quelques années, dix ou vingt, peut-être plus, ça serait bien. “Je n’ai pas peur de mourir, seulement de ne pas avoir assez vécu dit Nemo Nobody dans le film éponyme.

Ce qui est sûr c’est que la fin approche. Alors il faut se décider et dire tout ce qui est en nous ou se taire à jamais. Mais à quoi cela sert-il d’avoir vécu si rien ne reste ? Allons! Il faut dire, dire en toute liberté puisque c’est dire face à la mort et au néant. Quelle liberté! Rien ne limite ni n’arrête de telles paroles. Aucune importance le jugement de ceux qui ne veulent pas comprendre l’autre puisqu’il s’agit de se libérer et de se donner aux esprits ouverts. Dans ce qui est dit, il n’y a pas de leçon, pas de théorie, il n’y a que l’expérience d’une vie bien remplie. Cette vie a suivi des chemins variés, des sentiers ou des autoroutes, mais elle ne s’est jamais égarée dans les couloirs lisses et tranquilles de la compromission.

La vieillesse approche, il est temps de parler concrètement Gilles Deleuze

La vie n’est qu’une visite éphémère dans un jardin merveilleux, plein de mystères et un peu effrayant. Il faut savoir profiter de tous les instants pour tester nos sensations. Mais il arrive un moment où il nous faut renoncer à toutes ces choses futiles qui nous emprisonnent et que nous croyons être la vie.
Je souhaite seulement que les années qui viennent ne soient pas trop pénibles pour je puisse apprécier sereinement l’infinie tristesse de la mort à venir. Le but ultime d’une vie accomplie doit être, avant la mort, de se débarrasser de tous ses oripeaux pour rentrer nu dans le flot de l’éternité.
Avec la vieillesse vient la lucidité et on se dit : c’était donc ça vivre!

Nous mourrons tous, c’est vrai, et nous mourrons seuls, aucune quantité de communication n’y peut rien. mais nous ne mourrons pas tout à fait. L’intensité avec laquelle nous avons participé au processus créatif est la mesure de la façon par laquelle nous continuerons à vivre” Vilém Flusser, philosophe

A ceux qui resteront après moi je dédis mes écrits.

Pour finir en poésie : La chanson triste paroles et musique de Léo Ferré

Retour au menu général