Programme Technocom 86 à la Guadeloupe
Articulées au cinq journées d’exposition et de conférences du deuxième Forum de la Communication à Pointe à Pitre le Ceriam a organisé le programme Technocom. Il s’agissait essentiellement d’une confrontation entre d’une part des spécialistes et experts des télécommunications, de l’informatique, des télévisions et des médias, et d’autre part des professionnels des secteurs d’activités, publics ou privés concernés par ces nouveaux outils, ces nouvelles technologies qui bouleversent de plus en plus profondément le vie des entreprises, des institutions et des citoyens.
Dans ce cadre une première initiative de télévision locale “Télé-Caraïbe” a été organisée. Le Président de la Région Guadeloupe, Félix Proto voulait faire comprendre que sa région n’avait par le droit de rater le train du futur en matière de communication. Il s’agissait de se situer à l’opposer du développement des télévisons pirates locales dont l’offre ouvrait la porte à des programmes satellitaires d’origine nord américaines ou en langue espagnoles avec des émissions locales bricolées par des équipes formées sur le tas.
Pour mener à bien son programme la région avait fait appel à des professionnels confirmés, le réalisateur Raoul Sangla et le journaliste Guadeloupéen Michel Reinette. le programme qui devait débuter le 22 décembre devait être suivi par une enquête d’audience par moi et Jean-Marc Lepers, universitaire à Paris VIII St Denis et un de mes anciens professeurs en maîtrise de Communication.
C’est ainsi que je me suis retrouvé en décembre 1986 à Pointe à Pitre sous un soleil tropical pendant qu’il neigeait sur Paris. Je mets de côté les péripéties politiques dont on pourra suivre la trace dans les articles de journaux de l’époque joints pour narrer mes aventures guadeloupéennes. Le programme de diffusion était retardé par différentes manœuvres tel que refus d’autorisation de la CNCL ou le blocage du matériel par les douane qui a retardé la mise en place de l’émetteur. La suite de ce retard sera pour moi une grande aventure.
Toujours attentif au développement de l’interactivité, en plus de l’étude, j’avais emprunté à la société Courtoisie des logiciels pour démonstration, sur le salon, du potentiel des serveurs d’applications pour le Minitel. En tant qu’expert en télématique et afin de faire avancer l’accès aux NTIC localement, j’avais choisi avec l’aide de la région une petite société locale comme porteuse à qui apporter de la formation.
La veille de l’ouverture du salon je me rends chez mon contact. En arrivant à l’heure pile, je vois sortir un homme des bureaux. Mon instinct me dit qu’il doit s’agir de mon contact. Gagné, la secrétaire me dit qu’il s’est absenté et va revenir bientôt. Je le vois revenir dix à quinze minutes plus tard, le temps qu’il boive tranquillement un café. Nous échangeons quelques civilités et nous sortons pour aller chercher les logiciels. C’est alors qu’il s’avise que j’ai un véhicule. Il me dit tout net qu’il a enfermé les clés de sa voiture à l’intérieur de celle-ci et me demande si je peux l’aider à emporter le matériel à l’exposition. J’accepte et le matériel est chargé dans ma voiture. Je m’attends alors à ce qu’il vienne avec moi. Ce n’est ce qu’il a prévu. Il me donne le numéro du stand et me dit qu’une secrétaire est présente sur place. Merci et bonne journée. C’est aussi ça la Guadeloupe. A la suite de l’exposition ce “responsable” insistera pour que je lui laisse les logiciels qu’il payera plus tard. Pour ne pas prendre de risque, j’ai décidé de les vendre sur place moi-même. C’est ainsi qu’a été mis en œuvre le premier serveur Minitel au port Autonome de Pointe à Pitre sous couvert de la société Datasoft après un stage de formation offert par C2M, mon association. Le logiciel a été payé normalement par le port Autonome.
La société Datasoft pouvait s’en enorgueillir de l’installation, la société Courtoisie d’une référence aux Antilles et moi de la satisfaction d’avoir par mon tour de passe-passe réussi l’improbable. Il suffisait de comprendre rapidement le fonctionnement local pour ne pas y laisser des plumes.
L’aventure c’est l’aventure
Ayant récupéré le matériel pour émettre, il s’agissait pour le responsable technique de rattraper le retard par un travail de forçat épuisant avec des journées sans interruption. Ce responsable était un électronicien originaire de la Métropole. A la suite d’une longue journée de travail, il est rentré chez lui en oubliant sa valise d’outils sur place à la Soufrière dans un espace où se trouvaient tous les émetteurs de l’ile. J’avais pour mon séjour loué une voiture car sans voiture à la Guadeloupe la marge de manœuvre était très limitée. Je me trouve donc à me rendre chez lui à ce moment là. Devant son quasi épuisement, je propose de me rendre sur la Soufrière distante de soixante kilomètres, en compagnie de sa femme pour identifier et récupérer la valise d’outils électroniques de forte valeur.
A notre arrivée, nous découvrons un remue ménage inhabituel sur ce site sauvage et inhabité. Il y a des voitures de police et un hélicoptère qui survole la zone. Nous garons notre voiture sur le parking en aval du site d’installation des émetteurs et nous avançons. Nous sommes bloqués par la gendarmerie à une centaine de mètres avant d’arriver. Les gendarmes nous interrogent pour savoir où nous allons. Nous leur expliquons que nous venons récupérer une valise d’outils. Ils nous demande si c’est bien celle que nous apercevons, oui c’est elle. Bon, disent-ils vous pouvez y aller mais nous vous demandons d’ouvrir la valise avant de redescendre. Sans très bien comprendre nous nous exécutons. Au retour les gendarmes nous interrogent. De quoi s’agit-l comme activité ? Quels sont les noms de nos parents? etc. C’est là que je commence à comprendre que les gendarmes ont mis en mouvement tout cela par peur d’une tentative d’attentat visant les émetteurs de télévision et de télécommunication. j’ai sûrement trouvé place pour une nouvelle inscription dans les fichiers des Renseignements Généraux à cette occasion. J’ai probablement aussi commis une imprudence car si la valise avait été trafiquée je ne serai pas là pour le raconter.
Leçon Antillaise
Un soir était prévue un repas au restaurant offert par la Région. Nous sommes une quinzaine de personnes pilotée par la secrétaire du Président Proto. Nous nous présentons au restaurant à l’heure prévue. Le réceptionniste nous déclare avoir oublié la commande. Il n’y a pas de table réservée et c’est complet. Nous étions près à repartir, mais la secrétaire reste là sans bouger. Nous lui demandons ce qu’elle fait. Elle nous dit “je négocie”. Au bout d’un moment devant cette négociatrice et ses invités, le réceptionniste revient. Est-ce que ça ira en mettant en place une installation de fortune mais où tout le monde sera assis et servi? Avec notre aide la table est montée. C’est cela la “négociation à la Guadeloupéenne”, ne pas brusquer les choses et attendre que l’autre se sente concerné et agisse en conséquence.
Mise en application de la leçon Antillaise
Le 31 décembre était organisée à la préfecture une réception à laquelle j’étais convié avec les autres organisateurs. Pour me rendre à cette réception, j’avais donné à nettoyer le seul pantalon en coton de ma garde-robe. Avant le fermeture je me rends au pressing pour récupérer le dit pantalon. A ce moment je découvre qu’il a bien été nettoyé mais pas repassé. Le commerçant me dit qu’il est trop tard car il ferme, il m’invite éventuellement à revenir deux jours plus tard. Que faire ? je ne peux pas aller à la soirée avec un pantalon froissé. En revenant vers mon logis, j’avise un homme qui est entrain de repasser sur devant sa maison. Je me dis qu’il doit pouvoir me dépanner. Je lui demande si contre paiement il veut bien repasser mon pantalon. “Je ne suis pas repasseur me dit-il, je suis couturier.” C’est alors que me vient l’idée de la négociation à la Guadeloupéenne observée précédemment. Je croise les bras et je lui demande doucement : qu’est-ce qu’on fait ? Le bonhomme réfléchit et me dit, “Vous savez repasser ?” Oui ! “Alors prenez le fer et faites”. c’est ainsi que j’ai repasser mon pantalon dans la rue à Pointe à Pitre. J’ai remercié mon couturier et je lui ai laissé un petit dédommagement pour le service du fer à repasser. Nous nous sommes quitter en bonne intelligence et avec le sourire, ça le valait bien.
La Guadeloupe est une ile magnifique où nos plantes d’intérieur sont des arbres, les poissons des nuages multicolores et l’eau de l’océan à une température idéale. Les hommes sont très machos et les femmes qui font tourner la boutique les traitent comme de grands enfants.