Vie politique et sociale

Adolescent ma conscience politique était faible, elle s’est éveillée lentement. Je savais juste que j’étais dans le camp des pauvres et des classes laborieuses. En conséquence, je ne serai jamais dans le camp du pouvoir dominant, des riches et des puissants. Je me suis donc construit en face à face avec le système dominant voir en opposition avec lui.
Une espèce de honte d’exister de certains pauvres face aux riches est produite de façon culturelle par les dominants eux-mêmes. Il n’y a qu’une seule réponse face à cela, la résistance et la révolte. Il nous faut sans cesse lutter contre le discours qui tente de nous réduire à ce dont a besoin le pouvoir pour maintenir l’ordre existant. Nous sommes le peuple, nous sommes le nombre. Nous devons lutter à titre individuel mais aussi collectif dans des organisations qui doivent être de circonstance pour ne pas être de futures organisations de contrainte. Ma fréquentation des organisations a toujours été de circonstance pour ne pas me laisser enfermé dans une idéologie ce ghetto de la pensée.

J’ai participé à de nombreuses activités au sein d’associations ou d’organisations existantes ou que j’ai créées pour la circonstance. L’association est un bon moyen d’action collective. La loi de 1901 définit le contrat d’association comme : “la convention par laquelle deux ou plusieurs personne mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager les bénéfices”.
C’est sur ce principe que j’ai le plus souvent œuvré et donné une grande partie de mon temps de vie à l’action sociale.

Dans chaque engagement on peut distinguer deux premiers âges qui sont le temps de mon engagement :
– l’association naît dans l’enthousiasme d’un projet collectif partagé dont j’ai été souvent le moteur principal
– vient ensuite le temps de la gestion à laquelle je participe le temps de l’organisation
– plus tard arrive le temps de la crise souvent pour des questions personnelles c’est pourquoi je suis partisan de mandats courts dans les organisations et peut-être même de durée de vie courtes pour les associations elles-mêmes.

Depuis 1981, j’ai travaillé sur les technologies de pointe en précédant le plus souvent l’État dans la création de nouveaux services collectifs en réponses aux besoins sociaux du moment. Après l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir je n’ai pas été tenté par le course au postes ni par le service du pouvoir central. Ce n’était pas dans ma nature. Je suis devenu un militant de la socio-technologie comme me l’avait reproché François Du Castel, “on ne débauche pas un informaticien de la poste pour faire de la socio-technologie”. mais c’est ce qui m’a passionné, l’arrivée d’un nouveau monde et sa confrontation avec l’ancien. Pour finir tout cela n’a pas changé grand-chose dans un monde où nous ne sommes que des sujets pour ne pas dire des objets économiques.

Je ne suis pas blasé ni pessimiste mais je deviens de plus en plus anarchiste, aucun système humain ne mérite de durer. Je crois en des systèmes en déséquilibre permanent qui seraient obligés de se remettre en cause constamment stimulant ainsi la faculté de création des humains à titre individuel aussi bien que communautaire.

La vie avant nous nous trace un chemin, on le suit ou pas, totalement ou partiellement. Qui peut dire ce qu’il aurait été si il était né dans un autre groupe humain, voir même dans une autre partie du monde ?
Je suis né dans une famille ouvrière, en France, au milieu du XXème siècle. Mon grand-père était syndicaliste et membre du PC. Mon père plutôt anarchiste ainsi que mon oncle. Pour ma part j’aurai erré du PS autogestionnaire au PC autogestionnaire de Juquin, du syndicalisme autogestionnaire de la CFDT à la tentative de démocratisation interne de la CGT sans comprendre avant un âge avancé qu’une partie de la vie sociale et politique relève essentiellement de l’anarchisme.

Le Programme Commun et l’autogestion avec le PS

Le “Programme commun” dont le nom complet est programme commun de gouvernement est le programme de réforme, adopté le 27 juin 1972 par le Parti socialiste, le Parti communiste français et signé le 12 juillet 1972 par ces deux organisations et certains radicaux. Robert Fabre signe le document au nom des radicaux de gauche. Il prévoyait un grand bouleversement dans les domaines économique, politique et militaire en France.

Militant de la CFDT des PTT depuis fin 70, je souhaitais m’investir politiquement. Deux choix s’offraient à moi, le PSU de Michel Rocard ou le PS issu du Congrès d’Épinay sur la base de l’alliance entre François Mitterrand et Jean-Pierre Chevènement. Je décidais de rejoindre le PS et en son sein le Ceres. (Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste). Le but était l’autogestion et le chemin politique qui m’apparaissait cohérent était le Programme Commun. J’ai adhéré au PS à Tours en 1972.
Début 1974, en arrivant à Orléans, j’ai pris contact avec la section locale du PS dans laquelle je me suis engagé. En 1977 j’étais parmi les candidats à la mairie sur la liste socialiste avec Jean-Pierre Delport élu Conseiller Général l’année précédente grâce en partie à mon soutien militant. A cette occasion j’avais imaginé et mis en œuvre “les réunions de pallier”, une innovation politique, à l’époque. Le principe était de trouver des électeurs décidés à inviter chez eux des voisins et des connaissances pour présenter le candidat. Cela a très bien fonctionné dans un canton comme Orléans La Source. De plus j’étais engagé dans le GSE (Groupe Socialiste d’Entreprise) ce qui m’a permis de faire une grosse campagne auprès des employés des chèques postaux. Jean-Pierre avec qui je suis encore ami le reconnaît volontiers. J’ai été un des artisans principaux de cette première victoire socialiste.

En mars 1977 il m’imposera sur la liste pour les municipales malgré l’opposition de la tête de liste Michel de La Fournière. Je n’étais pas assez contrôlable et beaucoup trop contestataire pour ce recentré venu du PSU avec Michel Rocard. Michel de La Fournière était dans la ligne de la CFDT recentrée et en divergence d’avec le Ceres sur un certains nombre points à propos des “15 thèses sur l’autogestion”.

De mai à juillet 1977 le PCF, le PS et le MRG ont mené des négociations sur l’actualisation du Programme Commun. Mais des divergences de fond sur le champ sur des nationalisations sont apparu. Le PS voulait les réduire au secteur bancaire et le PCF cherchait à les étendre à de larges pans de l’industrie. D’autres divergences portaient sur le fonctionnement des institutions et la question de la défense européenne. Après les législatives de 1978, la rupture sera largement consommée, à l’initiative des radicaux et des communistes. Fin 1978, la renonciation du PS à certaines nationalisations m’apparaissent en contradiction avec les activités militantes des GSE (Groupes Socialiste d’Entreprises) au sein desquels je militais aux PTT, j’ai donc décidé de quitter le PS. Dans les 2 ans qui ont suivi j’ai œuvré pour l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, notamment en participant activement à la diffusion de la “pétition pour l’union dans les luttes” dont j’ai été un des premiers signataires et cela malgré la résistance de la CGT et du PC.

En 1981 Mitterrand confirmera l’abandon de l’autogestion entant qu’idée de transformation de la société en même temps que certaines nationalisations. Tout cela était en prélude au virage de 1983 et à l’abandon définitif de la volonté de changement réel de la société. Pour moi, c’est la fin d’une leçon politique de plusieurs années. Je retiens qu’il faut avoir des idées, savoir s’y tenir, être toujours prêt à les assumer mais ne rien attendre des hommes politiques qui briguent le pouvoir.

Par la suite, je serai ponctuellement compagnon de route plus ou moins proche du PS à Tours. Mon engagement politique sera objectivé sur des points précis, laïcité en 2001, candidature de Jospin en 2002 et débat sur le Traité Constitutionnel en 2005. Sur ce dernier point, ma prise de position pour le NON en 2005 marque ma rupture définitive d’avec l’appareil du PS.

Compagnonnage avec le PC

Mon intérêt pour le PC en 1978 sera de courte durée, après les yeux doux et l’illusion d’une ouverture, il se montre sous son véritable jour, monolithique et toujours cadenassé par le “centralisme démocratique“. J’ai tout de même été adhérent quelques semaines, le temps de voir la chose de l’intérieur et le temps de condamner en réunion de cellule, l’Intervention soviétique en Afghanistan sur un vote majoritaire face au refus de vote des orthodoxes, cela conformément aux statuts. Comme toujours au PC aucun avis divergent n’était accepté, la résolution de dépassera pas la porte de la cellule, sans jeu de mots.

En arrivant à Gennevilliers en octobre 1984 en soutien au maire Lucien Lanternier je prendrai à nouveau une carte sans payer de cotisation. Adhérent fantôme en quelque sorte je serai tout de même exclu en 1988 sans avoir jamais participé à une réunion pour avoir soutenu la candidature de Pierre Juquin à la Présidentielle de 1988. Pierre Juquin représentait le courant « rénovateur » au PC depuis le XXVe congrès du PCF de février 1985. Il se rangeait derrière une idée “nouvelle” pour le parti : « Le socialisme sera autogestionnaire ou ne sera pas ». Je n’était pas militant et je ne participais pas aux réunions aussi c’est par mon exclusion que les gens intéressés on appris que j’étais adhérent. C’est ça le PC, ils sont capable d’actions absurdes pour le principe et la règle de centralisme démocratique. Aujourd’hui le PC est mort et la CGT mal en point est devenu le deuxième syndicat en France. Face au néolibéralisme, l’histoire témoignera de tout cela.

L’autogestion à la CFDT

La CFDT est l’émanation de la CFTC qui se réfèrait lors de sa fondation en 1919 à la doctrine sociale de l’Église (DSE). A l’intérieure de la CFTC, une minorité de gauche, de la tendance « reconstruction », a animé sous la conduite d’Eugène Descamps un débat interne en faveur de la « déconfessionnalisation ». Cette tendance est devenue majoritaire en 1961. La rupture interne se produit en 1964 au congrès extraordinaire des 6 et 7 novembre qui se tient au Palais des Sports et transforme la CFTC en CFDT. Une minorité des effectifs refonde une « CFTC maintenue » qui existe encore.
La CFDT déclare désormais placer son action dans le cadre de la lutte des classes. En quête de sa propre identité (notamment vis-à-vis de la CGT), la CFDT se tourne vers le mot d’ordre de l’autogestion qui s’ajoute à celui de planification démocratique qu’elle a adopté depuis la fin des années 50 au sein de la CFTC. L’idée d’autogestion est inspirée de diverses expériences menées dans différents pays : Espagne républicaine, Yougoslavie (1950), l’Algérie au début de son indépendance, Chili d’Allende (1970), France avec le Centre Universitaire de Vincennes futur Paris 8.

À partir de 1968, l’autogestion devient le fondement de la vision du monde de la CFDT, de son projet de société. Jusqu’au milieu des années 1970, le discours de la CFDT est radical. Il emprunte au marxisme et aux courants les plus durs à l’égard du capitalisme. Le socialisme autogestionnaire est vu comme une alternative au capitalisme, mais aussi au socialisme d’État. La CFDT soutient Charles Piaget et les ouvriers de Lip en gréve. Elle est très influencée par le PSU de Michel Rocard. C’est dans ce courant de pensée anticapitaliste et autogestionnaire que je me suis engagé, Ce courant de pensée existe toujours, dispersé sous de multiples formes, bien qu’aucune organisation ne le représente formellement.

Ma rencontre avec la CFDT s’est faite à la brigade départementale d’Indre et Loire avec deux collègues Jean-Marie Franck et Gérard Fayet. La CGT pesait d’un poids important sur la brigade en raison de la forte personnalité et l’ancienneté de ses représentants. Ces derniers étaient des brigadiers anciens, bien installés avec les meilleurs rapports avec la Direction départementale. Nous étions plus jeunes, nous souhaitions une plus grande dynamique pour notre service et nous voulions moins de passe-droits pour certains. Mais pour avoir une section syndicale il nous fallait être représentés par un syndicat départemental. Nous sommes donc naturellement aller aider à construire le syndicat départemental de la CFDT. Cet engagement m’a permis de découvrir l’autogestion.

Après cet épisode tourangeau mon engagement s’est poursuivi à Orléans au CTA jusqu’à la mi 77. C’est ainsi que j’ai participé en première ligne à la gréve de 1974. Pendant le mois d’octobre j’ai été le porte parole de la CFDT dans toutes les manifestations publiques et audiences syndicales.

Le recentrage
La dynamique de lutte à gauche ouverte depuis 1968 ainsi que la référence à l’autogestion sont remises en cause. Les contestataires de l’ordre établi n’ont plus le vent en poupe et la CFDT entame sa dérive vers la droite et le compromis social. Je n’y ai plus ma place. Je conteste ouvertement ce nouveau positionnement et je donne ma démission. Un représentant viendra tout de même me demander de rendre ma carte comme si cela avait une signification en dehors de la bureaucratie. On était vraiment loin de l’autogestion démocratique.
En 1978, la CFDT officialise son recentrage sous couvert de re-syndicalisation. Cela va l’amener progressivement à tenir une position systématiquement conciliante dans ses rapports avec le patronat et le gouvernement. Pour les responsables confédéraux, il s’agissait de mettre fin à la période de débat et d’expérimentation sociale qui marquait la CFDT depuis plus d’une dizaine d’années, et va exacerber les tensions avec les collectifs militants qui étaient les principaux représentants de ces pratiques. La rupture de l’Union de la gauche en 1977 et l’échec de celle-ci aux élections législatives de 1978 accélère le processus et conduit la centrale d’Edmond Maire Secrétaire Général à un changement de stratégie, elle s’éloigne de la CGT et entreprend un mouvement qui consiste notamment à prendre de la distance face aux partis politiques. Elle appelle pour la dernière fois à voter socialiste à la présidentielle de 1981. La CFDT prend également ses distances à l’égard de l’autogestion ; des théoriciens comme Pierre Rosanvallon (conseiller économique de la CFDT puis conseiller politique d’Edmond Maire) théorisent même une nouvelle vision de l’autogestion comme un concept-relais vers une certaine forme de libéralisme.

La démocratisation de la CGT

J’ai toujours été convaincu de la nécessité d’être syndiqué, aussi après le recentrage de la CFDT, cette organisation ne correspondant plus à mon attente, j’ai choisi de poursuivre le combat en rejoignant la CGT dans la tradition familiale de mon grand-père.

C’était la CGT de Georges Séguy et du 40e congrès de Grenoble de décembre 1978. Le congrès engageait la confédération dans une profonde démocratisation interne qui devait permettre entre autres l’émergence de nouveaux moyens d’expression directe des travailleurs tel que la radio libre (donc illégale) Lorraine Cœur d’Acier pendant et après la lutte des sidérurgistes de Longwy en 1979-1980. Mais l’histoire étant ce qu’elle est et le PC pesant de tout son poids, confronté à l’opposition du groupe refusant cette démocratisation du syndicat, Georges Séguy devra se retirer en juin 1982 et laisser la place à Henri Krasucki,

Commence alors pour moi une confrontation interne avec le bureau départemental pro communiste de la CGT des PTT. Ma conception du syndicat vis à vis des partis politiques et ma défiance à l’égard du PC n’était pas acceptable. Je me tenais au plus près des statuts dans une lutte très désagréable. Mon activité militante m’avait conduit à intégrer le bureau départemental mais ma rigueur militante m’avait amené assez rapidement à un conflit avec celui-ci dominé par les communistes. Au printemps de 1980, les dissensions internes devenant très vives, j’aurai droit à un congrès départemental de type stalinien pour me contrer. Par provocation, je me présente au nom de ma section syndical en opposition au bureau. Je désavoue l’exclusion du bureau départemental d’un camarade de la LCR et présente trois vœux , condamnation de l’Intervention soviétique en Afghanistan, reconnaissance du syndicat Solidarność et dénonciation de l’assignation à résidence de Andreï Sakharov.
Je ne recueille que quelques deux cents cinquante mandats sur mille deux cents et je quitte le bureau.

Fin de mon engagement syndical

A partir de la fin de 1980 je clos mon engagement syndical et je me recentre sur les associations et l’actionn au quotidien.