Le lait à l’école

En 1954, le 18 juin, Pierre Mendès-France est nommé Président du Conseil. Un de ses objectifs prioritaire est la lutte contre l’alcoolisme, qui fait des ravages partout en France, notamment chez les enfants. Ceux-ci sont largement incités par leurs parents à consommer de l’alcool tous les jours, avant ou pendant les repas. Nous pouvons prendre conscience de l’ampleur de ce fléau et de la difficulté à intervenir, étant donné que ce sont les parents eux-mêmes qui incitent leurs enfants à consommer des quantités dangereuses d’alcool. Les effets de l’alcool sur la somnolence, mais aussi les maladies du foie ou de l’estomac sont, à l’époque, très préoccupants.
Avec pour préoccupation principale la santé des générations futures, Pierre Mendès-France remplace la distribution de vin coupé (3% de volume d’alcool) dans les cantines scolaires par du lait sucré. Ce changement a surtout pour but de changer les habitudes de la population sur le long terme en leur inculquant un régime alimentaire plus sain. Ils sont aussi bénéfiques pour l’économie française, donnant un coup de fouet à la consommation de lait et de sucre. Avec la distribution obligatoire de lait dans les écoles, il met également et définitivement fin aux carences de l’après-guerre, qui ont marqué une génération entière. Pierre Mendès-France est conscient que sa politique ne fait pas l’unanimité, mais il croit au progrès de ces mesures visant à améliorer la santé publique et à développer l’économie. Dans tous ses discours et rapports, il ne cesse de mettre en avant l’argument scientifique dans la promotion du lait. Le lait est un produit revigorant, qui procure force, santé et stimule la bonne croissance des enfants. A l’époque, aucune étude scientifique ne remettait en cause les vertus du lait. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que consommer du lait est meilleur pour notre santé que consommer de l’alcool. Pierre Mendès-France, dans son culte du lait, a seulement voulu libérer la France du fléau de l’alcoolisme.
Il s’explique en septembre 1954 à Annecy (Haute-Savoie). “À partir du 1er janvier prochain, entrera en application un plan de distribution de lait sucré dans les écoles privées et publiques. Ces distributions seront salutaires pour la santé de nos enfants. Elles aideront à écouler une partie de notre production laitière et sucrière. Des aliments riches et énergétiques comme le lait et le sucre ne sont pas consommés autant que le voudraient la santé et la vigueur de la race. Le progrès social est là aussi”. Il s’agissait donc de donner du calcium aux jeunes français, de lutter contre l’alcoolisme mais aussi d’aider les agriculteurs français. Pour certains, ce troisième point était le plus important.
Par des subventions, Pierre Mendès France pousse les producteurs de betteraves à sucre à orienter leur production vers le sucre et non vers l’alcool via des distilleries. De très nombreuses distilleries sont fermées en cette année 1954 et à l’école, le lait sucré doit remplacer le vin que beaucoup d’enfants continuaient à boire, surtout à la campagne. L’interdiction totale de l’alcool aux moins de 14 ans ne viendra qu’en 1956.